Les systèmes d’aide à la décision pour la lutte contre le mildiou de la pomme de terre en Région wallonne : vers l’intégration et l’amélioration des systèmes.

Notre nouveau site d’avertissements à la parcelle : www.vigimap.be (voir détails plus bas dans le texte)

Le mildiou de la pomme de terre (Phytophthora infestans) constitue depuis toujours la maladie la plus dangereuse pour la pomme de terre dans nos régions.

Depuis son apparition vers 1845 en Europe, le mildiou n’a cessé d’inquiéter les producteurs. Depuis le milieu des années 70, son impact sur la productivité et la qualité des cultures se renforce régulièrement. La maladie se déclare plus hâtivement que par le passé, l’agressivité est plus élevée et les stratégies de lutte mises en place sont régulièrement dépassées par l’ampleur du problème.

Le mildiou peut détruire le feuillage en quelques jours. Il peut contaminer les tubercules et les rendre impropres à la commercialisation : la perte peut être totale et ce très rapidement.

Pour combattre cette redoutable maladie, les agriculteurs sont amenés à y consacrer une part importante de leurs moyens de production, notamment par l’emploi répété de produits phytosanitaires. Les conséquences économiques (coût des produits et de leur application sur les cultures), environnementales (risques de dérive des bouillies fongicides, quantités et risques des produits eux-mêmes), sociales (temps de surveillance et de mise en œuvre des moyens de protection par les agriculteurs) et sociétales (image de l’agriculture écornée par la présence répétée d’engins de pulvérisation dans les champs) sont importantes. Il faut également tenir compte des pertes occasionnées aux cultures par le mildiou malgré cette protection fongicide.

Depuis toujours, on a considéré que les fongicides suffisaient à la lutte contre ce pathogène, cette affirmation ayant montré lors des dernières années certaines limites. Que ce soit lors d’étés plus humides ou de conditions difficiles en début de saison (hiver sans gel, présence de nombreuses repousses dans d’autres cultures, problème des tas d’écart de triage,…) qui provoquent une forte pression de la maladie, ou lors de périodes plus sèches (comme ces deux dernières années), la gestion des infections par Phytophthora infestans n’est pas chose aisée. Les années à fortes pressions durant toute la saison ont été nombreuses jusqu’en 2016. Actuellement, la tendance est à une pression plus éparse sur la saison. En effet, les étés extrêmement secs offrent un période d’accalmie pour les agriculteurs dans leurs fréquences de traitements. Mais lorsque l’humidité revient en fin de saison, la vigilance doit être de mise. L’agressivité toujours plus importante des populations de mildiou couplée à l’utilisation presque généralisée de variétés sensibles provoquent alors des contaminations importantes des cultures malgré un emploi répété et massif de produits de protection phytosanitaire.

Dans ce contexte, les modèles de simulation du développement de la maladie en fonction du climat constituent des outils importants permettant d’ajuster la protection des plantes aux risques avérés et d’accroître ainsi l’efficacité des schémas de protection tout en évitant les traitements inutiles.

En Wallonie, un système d’avertissements unique a été mis en place. Cependant, étant donné le caractère extrêmement dangereux du mildiou pour la qualité et la rentabilité des productions, il convient de rester vigilant et proactif en améliorant toujours l’efficacité des systèmes, notamment par une meilleure connaissance du pathogène. L’évolution des populations de mildiou implique ainsi une remise en question régulière des paramètres de référence du modèle employé.

Les agriculteurs sont demandeurs d’avertissements à la parcelle. Cette démarche est certainement très positive. Elle permet de n’envisager la protection d’une parcelle que lorsque c’est absolument nécessaire, en tenant compte de sa situation propre vis-à-vis des risques de mildiou. Pour répondre à cette demande, un tout nouvel Outil d’Aide à la Décision a été mis à disposition des agriculteurs depuis septembre 2019 : www.vigimap.be. Celui-ci permet à l’utilisateur de dessiner ses parcelles et de consulter directement les courbes de développement de mildiou qui s’y rapportent. De plus, la prise en compte des différents types de produits phytosanitaires utilisés dans une situation donnée permet de mettre en place différents schémas de lutte afin d’en optimiser les résultats.

Les alternarioses (Alternaria spp.) sont d’autres maladies fongiques importantes de la pomme de terre. Les fongicides anti-mildiou récents sont spécifiques et n’ont donc plus un spectre d’action aussi large sur d’autres maladies cryptogamiques. Des efforts sont et devront être consentis également pour élargir les avertissements aux alternarioses dont le cycle semble mal connu et qui provoquent de plus en plus souvent des dégâts à la végétation et donc au rendement et à la teneur en matière sèche des tubercules.

Les partenaires du projet

Le C.A.R.A.H. asbl rédige et diffuse les messages d’alerte contre le mildiou depuis 1987 en Hainaut et depuis 2010 en Wallonie. Il encadre les producteurs de pommes de terre depuis de nombreuses années et développe des recherches appliquées sur le plan variétal, les techniques de production et de protection des cultures sur base desquelles il apporte des conseils avisés à la profession. Il a acquis l’expérience en diffusion de messages en fonction de la sensibilité variétale. La collaboration avec le service de pédologie du C.A.R.A.H. et avec Hainaut Analyses (analyses de sol, de la qualité technologique des aliments, détermination de nématodes, de virologie, de maladies cryptogamiques…) permet une approche globale de la culture de pommes de terre sur l’exploitation.

Le CRA-W (Centre wallon de Recherches agronomiques)
L’Unité Amélioration des espères et Biodiversité du CRA-W (Unité 2) est responsable du laboratoire d’identification et de caractérisation des souches de mildiou. Elle possède par ailleurs une longue expérience dans la pomme de terre puisqu’elle développe plusieurs programmes et services sur ce thème: efficacité de substances actives sur le mildiou, virologies de la pomme de terre, micropropagation in vitro de la pomme de terre, sélection variétale, étude des caractères d’utilisation de la pomme de terre,… Le CRA-W a en outre diffusé des avertissements contre le mildiou jusqu’à la fusion des deux systèmes.

L’Unité Systèmes agraires, Territoire et Technologies de l’Information (Unité 11) : Suite à l’intégration du réseau Pameseb, cette unité gère un réseau automatisé d’une quarantaine de stations météorologiques réparties sur l’ensemble de la Région wallonne. Les données météorologiques servent entres autres à alimenter les systèmes d’aide à la décision pour le suivi du mildiou et le suivi de la septoriose du froment.

Objectifs spécifiques

Le maintien du service d’avertissements unique en Wallonie incluant la mise à disposition de données météorologiques, les prescriptions de messages d’alerte et le maintien d’un pôle d’identification et de caractérisation du mildiou.

Le réseau d’avertissements progressivement mis en place en Wallonie rassemble les compétences des partenaires dans un service unique d’avertissements contre le mildiou de la pomme de terre. L’objectif premier de ce projet réalisé dans le cadre du Centre Pilote Pommes de terre est d’assurer le maintien de ce service aux producteurs.

Pour rédiger et diffuser les messages d’alerte, le C.A.R.A.H. utilise les données météorologiques captées et validées par l’unité 11 du CRA-W. ces données alimentent le modèle toutes les heures, garantissant une précision dans les prévisions d’apparition d’infections ou de sporulations du pathogène. En effet, le modèle diffusé sur www.vigimap.be permet une prévision des événements sur 3 jours à compter de la date et de l’heure d’observation. Ces données fournies par l’IRM sont d’une importance capitale dans ce système prévisionnel. Des connaissances plus accrues du pathogène, surtout en terme de caractérisation des souches et de leur agressivité, sont apportées par l’unité 2 du CRA-W. De telles informations et un contrôle des paramètres du modèle sont cruciales dans l’accomplissement de notre objectif commun, à savoir un meilleur contrôle du mildiou dans nos campagnes.

L’avertissement à la parcelle contre le mildiou de la pomme de terre : un objectif sur la bonne voie.

Diffuser des messages d’alerte en temps réel, c’est-à-dire avec une grande rapidité de réaction des partenaires à la suite des observations météorologiques et de terrain, est déjà en soi une démarche audacieuse et actuellement acquise. Permettre l’avertissement d’infections à la parcelle est chose presque concrète. Deux choses sont actuellement en place dans le système d’avertissement mildiou du C.A.R.A.H. :

  • Les messages sont rédigés en fonction des observations sous-régionales à l’échelle d’une station ou plus souvent d’un groupe de stations météorologiques ayant rencontré des conditions assez similaires de température, d’humidité et de précipitations sur un terroir où sont cultivées des pommes de terre selon des phytotechnies comparables. Les observations en sites et en parcelles de référence servent à étayer les données météorologiques en vue de leur interprétation en messages clairs et circonstanciés
  • Les courbes de développement théorique de mildiou sont directement consultables sur l’outil www.vigimap.be. L’utilisateur pourra introduire les opérations culturales propres à chacune de ses parcelles et ainsi suivre leur impact sur le développement du mildiou.

Ce nouvel outil est l’aboutissement de nombreuses années de travail effectué par le service avertissements du C.A.R.A.H. Ce moyen de suivi informatisé de lutte contre le mildiou permet de pallier au nombre limité de techniciens disponibles pour assurer un contrôle à la parcelle pour chaque agriculteur. Néanmoins, www.vigimap.be ne remplace en rien les services proposés depuis de nombreuses années aux agriculteurs et personnes désireuses d’améliorer leurs méthodes de lutte. Le contrôle régulier des parcelles emblavées en pommes de terre sur le territoire wallon reste une de nos activités prioritaires. Nous entrons dans une ère de contrôle précis des parcelles appuyé par l’informatique.

Des formations sont dispensées régulièrement afin de permettre à l’utilisateur de maitriser l’outil. D’autre part, ces rencontres nous permettent d’être à l’écoute des besoins des utilisateurs et de perfectionner l’outil régulièrement. L’évolution n’a pas de fin !

L’évolution de la qualité des données primaires de la modélisation

La qualité de la donnée météorologique est primordiale dans la modélisation de développements de pathogènes. Notre réseau de 28 stations reste un premier maillage non négligeable, duquel nous ne nous séparerons pas. En effet, l’évolution technologique des stations météo offre à ce jour des possibilités beaucoup plus flexibles qu’auparavant. Des stations connectées déplaçables dans les parcelles d’années en années, proposent des données météo précises à la parcelle. C’est pour cela que www.vigimap.be propose l’alimentation de son modèle par ce type de données, fournies par l’utilisateur pour ses propres parcelles. Toutefois, la qualité de ces données reste sous la responsabilité de l’utilisateur. Retenons que d’une donnée météo correcte sortira une modélisation correcte. C’est pour cela que les données météo proposée par défaut à l’utilisateur sont revérifiées quotidiennement par un opérateur physique de notre partenaire Pameseb (CRA-W Unité 11).

Dans cet objectif d’amélioration toujours croissante, notre partenaire du CRA-W Unité 11, travaille actuellement à une spatialisation virtuelles des données météorologiques au km². Cette nouveauté est prévue pour 2021.

L’élargissement des activités de recherche et développement : vers un meilleur contrôle des alternarioses.

Le mildiou n’est pas la seule préoccupation des producteurs de pomme de terre. Depuis plusieurs années, des taches atypiques qui peuvent être à l’origine de pertes de rendement se développent en milieu de saison sur le feuillage des pommes de terre. Ces taches sont souvent attribuées à des symptômes dus à des attaques d’alternariose. Cette problématique a très vite été considérée comme importante et des traitements systématiques sont généralement appliqués préventivement.

A l’inverse du mildiou, l’épidémiologie des alternarioses est encore mal connue. Il est donc important dès à présent de faire le point sur cette maladie en Wallonie de manière à engranger suffisamment de connaissances afin d’être en mesure de proposer dans une phase ultérieure une application opérationnelle du suivi et contrôle des alternarioses. Les actions déjà mises en place lors du projet précédent ont confirmées la complexité du problème ainsi que le manque de données en la matière. Il est maintenant clair que les modèles existants et testés par le C.A.R.A.H. durant ces dernières années ne donnent pas pleinement satisfaction comparativement aux observations menées en parallèle sur le terrain. L’objectif est donc d’affiner les paramètres pour qu’ils « collent » aux observations de terrain. C’est pour cela que depuis 2018, le service avertissement en collaboration avec le service d’analyses laboratoires du C.A.R.A.H. participe activement au projet Interreg « Sytranspom ». Ce projet transfrontalier d’une durée totale de 4 années (2018 à 2021), est le fruit d’une collaboration entre la Belgique (représentée par le C.A.R.A.H., le PCA (Proefcentrum voor de Aardappelteelt) et Inagro) et la France (représentée par Arvalis – Institut du végétal). L’objectif est la création d’un modèle de prévision d’infections par Alternaria solani. Les intérêts d’une collaboration multi-sites sont la couverture territoriale plus étendue et la quantité de données récoltées.

Ces collaborations sont la clef de voute d’une protection des cultures allant vers une lutte encore plus intégrée.

Pour toute information

Olivier Mahieu

Téléphone

Benjamin Couvreur

Téléphone